Bien que les sources de l’islam soient exactement les mêmes, leur interprétation a donné naissance à plusieurs écoles de jurisprudence (madhâhib, pluriel de madhhab) : l’école Hanafite, l’école Malikite, l’école Shafi’ite et l’école Hanbalite. Il ne s’agit pas de schismes religieux interne à l’islam, mais plutôt de différences dans la méthodologie et l’interprétation des sources (Coran et Sunna), différences qui ne touchent ni à la croyance ni au fondements et aux principes généraux de l’islam.
La jurisprudence islamique à l’époque du Prophète Muhammad ﷺ
Les sources principales de l’islam sont comme nous le disions le Coran et la Sunna. Du vivant du Prophète Muhammad ﷺ, il suffisait à la communauté de poser directement ses questions au Prophète, qui était le réceptacle de la révélation. Après le Prophète ﷺ, il nous restait le Coran (la parole d’Allah) et la Sunna (les actes et paroles de notre bien aimé Prophète ﷺ.)
Pour bien comprendre l’origine et la formation des écoles, il est capital de comprendre de quelle manière le Prophète ﷺ enseignait à ses Compagnons les croyances et les pratiques de l’islam : il ne leur parlait généralement pas de questions juridiques qui ne s’étaient pas encore posées. Il faisait par exemple ses ablutions sans jamais préciser les actes obligatoires de ceux qui sont seulement recommandés. D’autre part, tous les Compagnons n’étaient pas tous toujours présents en sa compagnie lorsque le Prophète ﷺ disait et faisait quelque chose. Ces deux éléments sont capitaux pour comprendre les divergences d’interprétation qui mèneront à la fondation des écoles (madhâhib).
La jurisprudence islamique après le Prophète ﷺ
Les années qui suivirent la mort du Prophète ﷺ, l’islam continua de se répandre dans de nouvelles régions, et certains Compagnons finirent par s’y installer. Ayant été les témoins et les élèves du Prophète en personne, ils devinrent naturellement ceux que l’on venait voir pour les problèmes juridiques anciens et nouveaux. S’il s’agissait d’un problème s’étant posé du vivant du Prophète ﷺ, le Compagnon répétait ce qu’il a vu ou entendu du Prophète. Et s’il s’agissait d’un nouveau problème, il avait recours au raisonnement juridique (analogie). Bien que les fatâwâ (pluriel de fatwâ, avis religieux) qui étaient délivrées par les Compagnons étaient souvent les mêmes (surtout en ce qui concerne les fondements de l’islam), il y avait parfois quelques différences. Et cela s’explique essentiellement pour deux raisons :
1 – D’une part, en ce qui concerne les jugements basés sur un acte ou une parole du Prophète ﷺ, il y a parfois de légères divergences d’interprétation (comme il y en a à propos de l’interprétation de tout texte juridique, composé de phrases et de mots) à cause d’une différence dans :
- la compréhension du sens du texte,
- la conciliation de deux textes différents.
2 – D’autre part, en ce qui concerne les jugements consécutifs à un effort de réflexion (ijtihad), il y avait parfois des divergences à cause d’une différence dans l’extraction de la cause juridique. Il est important de souligner qu’il arrivait parfois qu’un Compagnon juriste (Faqih) ait été témoin, du vivant du Prophète, d’une réponse de celui-ci sur un sujet donné, alors qu’un autre Compagnon juriste n’en ait pas été témoin ; et que, questionnés après la mort du Prophète ﷺ sur ce même sujet, le premier ait répété le règlement énoncé dans le Hadith du Prophète, tandis que le second ait eu recours à l’effort juridique (ijtihad). Dès lors, plusieurs cas de figure se présentèrent :
- soit que le raisonnement ait abouti au même jugement que celui énoncé par le Hadith ;
- soit que le raisonnement ait abouti à un règlement différent de celui énoncé par le Hadith, et que le Compagnon, ayant appris l’existence du Hadith, ait abandonné le règlement de son raisonnement pour celui du Hadith ;
- soit que le raisonnement ait abouti à un règlement différent de celui énoncé par le Hadith, et que le Compagnon n’ait jamais appris l’existence du Hadith)
Ainsi, plusieurs Compagnons du Prophète ﷺ , établis dans différentes régions du monde musulman, développèrent ainsi des jurisprudences. A La Mecque et à Médine (en Arabie), ce furent essentiellement les Compagnons suivants qui exercèrent les fonctions de juristes : ‘Umar, Abd Allah ibn ‘Umar, ‘Aïcha, Abd Allah ibn ‘Abbas (qu’Allah soit satisfait d’eux)…
A Koufa (en Iraq), d’autres Compagnons juristes s’étaient établis : ‘Ali ibn Abi Talib, Abd Allah ibn Mas’ud (qu’Allah soit satisfait d’eux)…
C’est à partir de ces compagnons que naîtront les écoles de jurisprudence (madhâhib) que nous connaissons aujourd’hui, semblables dans leurs fondements, différentes dans leurs méthodologies.
La jurisprudence islamique après les Compagnons
La génération qui suit celle des Compagnons (les Tâbi’un) vit cette jurisprudence se développer encore.
A La Mecque et à Médine (en Arabie), Sa’id ibn Al-Musayyib fut l’un des plus grands juristes de cette époque et l’élève des compagnons du Prophète ﷺ vivant en Arabie. L’essentiel de ses fatwas reposaient sur celles des Compagnons qui avaient vécu dans sa région : ‘Umar, ‘Uthmân, Ibn ‘Umar, ‘Aïcha, Ibn ‘Abbas, etc.
A Koufa (en Iraq), il y avait le grand Ibrahim An-Nakha’i, l’élève des élèves de Abd Allah Ibn Mas’ud qui se basait pour sa part sur les fatwas de Ibn Mas’ud, de ‘Ali et de Shurayh etc.
Après eux, leurs élèves (les Tab’iut-Tâbi’in) développèrent davantage encore ces jurisprudences :
- A Koufa, l’imam Abu Hanifa (bien qu’il est considéré comme un tabi’i) reprit les fatwas des Compagnons et des autres juristes de Koufa;
- A Médine, l’imam Malik reprit celles de ses prédécesseurs juristes de Médine.
Les élèves de ces deux illustres savants donnèrent ensuite une grande importance à ces méthodes d’extraction et de raisonnement. Ainsi furent posés les fondements de ce qui allait devenir les écoles Hanafite et Malikite.
L’Imam Ash-Shafi’i naquit au deuxième siècle, au moment où ces deux écoles (madhâhib) se développaient. Il fut l’élève, entre autres, de l’imam Mâlik et de l’imam Muhammad, le grand élève et représentant de l’école Hanafite. Il fut à l’origine de l’apparition d’une autre école juridique, l’école Shafi’ite, qui naîtra car l’Imam Shafi’i avait développé une vision différente des autres écoles à propos de certains principes juridiques. A peu près au même moment, une autre vision commençait à naître : plutôt que d’établir les réponses à de nouvelles questions sur des raisonnements basée sur les références textuelles, cette vision consistait à rechercher un maximum de hadith du Prophète ﷺ. C’est ainsi qu’apparaîtra l’école de l’Imam Ahmad Ibn Hanbal (élève, entre autres, de l’imam Ash-Shafi’i), l’école Hanbalite.