Question :
Salam alaykum wa rahmatullahi wa barakatuhu,
A quoi le terme Burhan Al-Tatbiq se réfère-t-il ? Il me semble que c’est un terme qu’on retrouve dans la science du kalam.
Réponse :
wa ´alaykumus salâm wa rahmatullâhi wa barakâtuh,
Oui, c’est le nom d’une preuve rationnelle (dalîl ´aqlî) utilisée dans la science du kalâm. Lorsqu’on prétend qu’il y a nécessairement l’existence d’un être sans début (qadîm), l’on peut alors contester cela. Nous utilisons alors le raisonnement suivant : chaque chose qui existe est engendrée par une cause. Si l’on venait à dire que cette cause est elle-même engendrée par une autre cause et ainsi de suite, il y a deux possibilités qui peuvent ressortir :
1) La première c’est que ces causes s’arrêtent à un moment donné à une seule cause originelle, qui n’est-elle même pas causée. C’est là la preuve de l’existence de l’être sans début (qadîm).
2) L’autre possibilité c’est que les causes précèdent les effets à l’infini vers le passé, sans jamais s’arrêter. C’est ce qu’on appelle le tasalsul, l’enchaînement illimité.
La preuve rationnelle appelée Burhân at-Tatbîq sert à prouver rationnellement que ce tasalsul à l’infini n’est pas possible, et donc que la première possibilité (une cause première) est la seule véritable.
Concernant l’explication du raisonnement suivi durant cette démonstration rationnelle, au lieu de l’expliquer avec mes mots, je vous recopie ici la traduction française de l’article en question du livre de l’imam al-Jurjânî intitulé Kitâb at-Ta’rîfât (la traduction se nomme Le Livre des Définitions et fut effectuée par Maurice Gloton). Il s’agit de l’article 293 (p. 107).
Note : Cette démonstration rationnelle n’est pas aisée à comprendre au premier abord pour un débutant dans les démonstrations rationnelles.
البرهان التطبيقي
La démonstration par superposition, emboîtement, concordance ou correspondance.
On suppose, d‘une part, un premier ensemble causal (jumla) composé, par exemple, d‘un nombre indéterminé de termes causés, partant du dernier causé, et d’autre part, un deuxième ensemble causal, composé également d‘un nombre indéterminé de termes causés, partant du causé qui précède immédiatement celui retenu du premier ensemble.
On applique ensuite les deux ensembles en plaçant le premier causé du premier ensemble en correspondance avec le premier causé du deuxième ensemble, puis le deuxième causé du premier ensemble en correspondance avec le deuxième causé du deuxième ensemble, et ainsi de suite.
Si à chaque élément du premier ensemble correspond un élément du second élément, les éléments qui viennent à y manquer (nâqis) sont considérés de la même façon que ceux qui y sont excédentaires (zâ’id), ce qui est absurde. En effet, si cette correspondance n‘existe pas, cela implique qu‘on peut trouver dans le premier ensemble des éléments qui n‘ont pas leur correspondance dans le deuxième ensemble. Celui-ci s’interrompt alors et oblige, par voie de conséquence, le deuxième ensemble à s‘interrompre et à se limiter, entraînant de ce fait la limitation du premier ensemble. En effet, celui-ci n‘excède le second que dans la mesure d’une limitation, et ceci du fait que ce qui vient s‘ajouter à une donnée finie est nécessairement limité.
Wallâhu a’lam…
(Abdulhakim Murat)